Classique de la littérature russe, ce 'Héros de notre temps' le demeure encore au début du XXIème siècle. Le cynisme du personnage central, Petchorine, sa violence, son individualisme et, disons-le, son égoïsme furieux ne déparent pas.
Il s'agit en réalité de plusieurs récits qui s'apparentent à de longues nouvelles. Le premier est une aventure caucasienne dans laquelle Petchorine n'est qu'un personnage et dont le véritable héros est le Caucase que l'armée russe tente de conquérir. C'est une histoire de bandits locaux, d'officiers, d'honneur et d'amour mal placé qui finit, comme il se doit, par une tragédie. La fatalité des choses qui s'engagent mal, aidée de la sottise et de l'obstination des hommes, en tout cas des plus sauvages, caractérise ce premier récit. Lermontov veut y aller à l'essentiel, sans fioriture ; au contraire de la peinture que Tolstoï fera plus tard, dans 'Les cosaques', de ce monde, plus chatoyant, plus humain, primitif certes mais à peu près irénique. < p align="justify">
Un autre de ces récits, 'La princesse Mary', illustre l'art et la spécificité de Lermontov. Il débute comme une énième histoire d'aristocrates, militaires de leur état, et qui consacrent leur temps libre à l'amour ou, du moins, à la séduction des femmes ; passant de l'une à l'autre en mêlant affection sincère, cynisme absolu et les jeux amoureux de Petchorine / Lermontov (c'est lui car, à vingt-cinq ans, on ne raconte que soi en direct -plus tard, l'inspiration est contournée-) ressemblent d'abord à une version russe des 'Liaisons dangereuses'.
Puis, nous rencontrons Lermontov : il cache à peine son mépris universel des gens ; il se joue des intrigues que son caractère exaspérant suscite autour de lui et personne ne parvient à dénouer les siennes ni ne peut même les imaginer. Son adversaire malheureux, Grouchnitski, en mourra mais Lermontov a pris aussi bien des risques et, s'il n'estime pas la vie des autres, son respect pour la sienne propre n'est guère plus développé.
La preuve ? La scène du duel qu'il décrit dans le livre sera celle qu'il vivra lui-même quelques temps plus tard, provoqué par un camarade que son attitude à son encontre avait mis hors de lui. Il y trouve la mort, non littéraire, celle-là et disparaît de la scène humaine à vingt-sept ans.
'Une mort de chien pour un chien' aurait dit le Tsar.
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